Le bien-être au cabinet dentaire
Article du CDF Magazine de mai 2024
Article paru dans le magazine Chirurgien-Dentiste de France n°2072-2073 du 2-9 mai 2024 : https://lescdf.fr/cdf-mag/
Le bien-être au cabinet
Améliorer la qualité de vie au cabinet, apprendre au patient à se libérer de sa peur du soin… Pour Xavier Penin*, chirurgien-dentiste et formateur en hypnose et autohypnose à l’Institut Emergences et à l’UFSBD, l’hypnose est un formidable « outil naturel » qui améliore le bien-être au cabinet.
CDF Mag : Pourquoi se former à l’hypnose quand on est chirurgien-dentiste ?
Xavier Penin : Les chirurgiens-dentistes qui veulent se former pensent généralement à la dimension analgésique de l’hypnose. Mais pour moi, pratiquer l’hypnose est d’abord une démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail.
Sa découverte, il y a une quinzaine d’années, a complètement changé mon exercice. Je trouvais enfin le moyen de bien communiquer avec les patients stressés et anxieux, mais aussi avec les assistants et toutes les personnes qui m’entouraient.
Pour vous, toute l’équipe dentaire devrait se former ?
X. P. : Aujourd’hui, la moitié des personnes formées dans les cabinets sont des assistants dentaires. Ce n’est pas surprenant. Nombre d’entre eux sont en difficulté face à des patients agressifs qui n’arrivent pas à obtenir des rendez-vous. L’assistant joue un rôle fondamental à l’accueil et pendant l’intervention.
Quand le praticien est absorbé par l’acte effectué, c’est l’assistant qui a le plus de disponibilité pour s’assurer du confort du patient. C’est une fonction valorisante, il est important que le patient ressente une ambiance « hypnotique positive » dans tout le cabinet.
Des qualités particulières sont-elles requises pour faire de l’hypnose ?
X. P. : Non, les techniques s’apprennent. C’est une façon de parler, de respirer... En réalité, la seule qualité nécessaire est la bienveillance envers tous.
Que se passe-t-il dans la relation de soins grâce à l’hypnose ?
X. P. : L’hypnose est une façon de gérer la peur du soin mais aussi la peur de la relation humaine. Elle modifie le regard que l’on porte sur la relation et améliore les liens créés entre toutes les personnes de notre environne-ment. Un patient qui a peur devient rigide, arrête de penser, et se focalise sur une anticipation anxieuse de ce qui va se passer.
Avec l’hypnose, on le ramène « ici et main-tenant » dans une relation confortable avec l’équipe soignante. Il arrive qu’un professionnel de santé se retrouve dans la situation très frustrante de réaliser un acte potentiellement douloureux, sans pouvoir proposer d’aide. Dans ce cas, les techniques d’hypnoanalgésie permettent d’obtenir le meilleur confort possible. De plus, l’état d’hypnose amène une distorsion du temps. Le patient aura l’impression d’avoir passé un quart d’heure au fauteuil au lieu d’une heure dans la réalité.
Faut-il dire à son patient que l’on pratique l’hypnose ?
X. P. : Il n’est pas nécessaire d’en parler lorsque l’on fait de l’hypnose conversationnelle. L’interrelation sympathique, créée au sein du cabinet, donne du confort au patient et profite aussi à tout le monde. L’hypnose à visée antalgique utilisée dans le cas de patients phobiques pour lesquels les interventions sont difficiles, ou lorsque les patients demandent des interventions sans anesthésie, est en revanche un acte qui s’ajoute au soin.
Dans ce cas, on le propose au patient. Cet acte a une cotation CCAM – ANRP001 – qui n’est pas remboursée et qui fait donc l’objet d’un devis. Si on pense que le terme d’hypnose peut faire peur, on peut parler de sophrologie ou d’exercice d’imagination… sans compromettre le résultat.
L’hypnose fait-elle toujours peur ?
X. P. : Il y a quelques années, on avait l’impression que c’était une technique de manipulation, de domination et de prise de contrôle sur la personne. L’hypnose peut effectivement être dangereuse mais comme l’est aussi une turbine ou un médicament mal utilisé.
Dans un cabinet dentaire, avec un patient en difficulté, les soignants prennent logiquement l’ascendant, mais comme un guide de montagne prend de l'ascendant sur son client dans un passage difficile.
L’éthique du professionnel de santé est très importante pour ne pas placer le patient en situation de dépendance, mais au contraire le libérer de ses angoisses et de son stress. Aujourd’hui, on a compris que l’hypnose est utile pour le rendre autonome dans la gestion de ses difficultés.
Qu’entendez-vous par « le rendre autonome » ?
X. P. : Dans l’hypnose médicale, l’hypnotiseur doit être un éducateur pour son patient. Les techniques sont proches de celles de la méditation. On fait appel à ses dispositions naturelles pour le libérer de ses peurs. C’est cela l’autohypnose. Ces techniques sont bien connues dans le domaine du sport. L’athlète capable d’entrer dans un état hypnotique améliore ses performances.
Dans mon exercice, j’ai rarement eu besoin d’en utiliser au-delà de deux séances avec mes patients. Ils comprennent rapidement et se mettent seuls en autohypnose les fois suivantes. De plus, pour les chirurgiens-dentistes et les assistants dentaires, ces exercices sont une excellente façon d’améliorer leur qualité de vie au travail et de prévenir le burn-out.
Pour conclure, est-ce-que l’hypnose est possible pour tous ? Non… Tout dépend des personnes. Pour que cela fonctionne, il faut 3 conditions résumées par l’équation H=MC2 (Hypnose = Motivation, Coopération et Confiance). Ces trois éléments sont nécessaires et suffisants. S’il en manque un, cela ne marche pas. Les tech-niques de communication sont très importantes pour expliquer au patient comment il peut s’aider lui-même.
À nous de le convaincre !
Propos recueillis par Anne-Chantal de Divonne
* Xavier Penin est chirurgien-dentiste avec consultation en « occlusodontie » à l'hôpital Fondation Adolphe de Rothschild. Il y anime aussi un atelier d’hypnose pour la prise en charge des patients avec des douleurs chroniques dans le cadre du CETD (Centre d’évaluation et de traitement de la douleur). Il est également responsable de la formation hypnose et autohypnose au cabinet dentaire à l’Institut Émergences et à l'UFSBD.
Soigner les addictions
L’hypnose est très efficace dans l’arrêt du tabac et de l’alcool, ou les troubles de comportements alimentaires, cependant il est nécessaire que la personne soit motivée pour changer ses habitudes. Je pars du vécu de chacun de mes patients pour voir avec lui les situations dans lesquelles il boit, fume ou mange inconsidérément, et comment il peut changer.
J’ai eu récemment le cas d’une femme qui avait un poste à responsabilité et rentrait fatiguée le soir.
Au lieu de reconnaître son état de fatigue et de prendre un temps de repos avant d’entamer la seconde partie de sa journée avec ses enfants, elle se mettait à manger. Cette habitude la fatiguait davantage, car le corps devait digérer des calories non nécessaires.
L’hypnose intervient à plusieurs moments. Il y a d’abord un travail conversationnel centré sur les solutions. Je récolte les informations liées à la personne et aux situations et je l’incite à s’imaginer vivre des situations dans lesquelles elle ne boit plus, ne fume plus ou se nourrit normalement. Elle se crée ainsi un véritable répertoire d’expériences virtuelles dans lesquelles elle se sent bien. L’heure de la séance se termine toujours par un quart d’heure d’hypnose.
L’autohypnose n’est pas adaptée aux cas d’addiction. Dans ces situations, les personnes ont besoin d’une relation, d’un lien thérapeutique pour changer. Le professionnel de santé les aide à trouver une autre habitude.
Le sevrage tabagique peut être assez rapide. Je propose deux séances à 8 jours d’intervalle. La personne est incitée à réécouter les séances enregistrées, chez elle. Pour l’alcool, le sevrage prend généralement un peu plus de temps. La coopération avec le médecin traitant peut être intéressante pour avoir un accompagnement médicamenteux. Dans le cas de la nourriture, le changement de comportement est très variable selon les personnes et leur culture. La nourriture est utilisée comme système de récompense en fonction des cultures familiales, environnementales, au lieu d’être utilisée pour se nourrir. Le but est de trouver des récompenses utiles et non nuisibles pour le corps.
Sophie Cohen, psychologue et enseignante à l’Institut Emergences.