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Milton Hyland Erickson, un homme hors du commun

Psychiatre et psychologue américain - 1901-1980

Milton H. Erickson
Reportage

L'enfant contre les handicaps

Milton H Erickson est né en 1901 dans le Nevada, dans une communauté de mineurs. Sa scolarité sera quand même rudimentaire et les premières difficultés d'Erickson seront alors découvertes : il est daltonien. Il perçoit très mal les rythmes musicaux et surtout, il est dyslexique.

De ces handicaps, il fera des avantages, expérimentant sur la relativité de la perception humaine, mais aussi parcourant pendent des heures le dictionnaire, colonne par colonne à la recherche des mots dont il ne reconnaît pas l'orthographe. Il utilisera souvent en thérapie ses souvenirs d'apprentissages difficiles, convaincu que nous possédons des capacités mal intégrées et que nous pouvons un jour assimiler brusquement comme lorsqu'il a compris comment s'utilise un dictionnaire.

À dix-sept ans, Erickson va vivre un épisode tragique : il est atteint de poliomyélite.

L'évolution de cette paralysie, malgré l'absence de tout centre de rééducation, est fascinante. Un jour qu'il était dans son fauteuil à bascule éloigné de la fenêtre et qu'il avait tellement envie de s'en approcher, le fauteuil s'est mis à se balancer légèrement. Etait-ce cette envie si forte qui avait stimulé quelque faisceau musculaire et rendu la paralysie moins absolue ? Pour lui, il n'y a aucun doute. Il va alors s'entraîner pendant des mois, recherchant par exemple le souvenir des sensations dans ses doigts lorsqu'ils pouvaient bouger jusqu'à faire apparaître des mouvements incoordonnés, puis de plus en plus volontaires. Et il a multiplié ses expériences pour ses bras, ses pieds...

C'est ainsi qu'il redécouvre ce que Bernheim connaissait déjà, les phénomènes idéo-moteurs : la seule pensée du mouvement peut produire l'expérience réelle du mouvement corporel automatique. Chez Erickson, les souvenirs sensoriels des mouvements se traduisaient en mouvements, d'abord involontaires et pour cause ! Plus tard, il y reconnaîtra des phénomènes hypnotiques, auto-hypnotiques en l'occurrence.

De manière similaire, il a appris à contrôler ses douleurs : en pensant à la marche, à la fatigue et à la relaxation, il se procurait un soulagement.

À vingt et un ans, il décide de faire des études de médecine.

Rencontre avec l'hypnose

Il rencontre l'hypnose dans un séminaire de Hull, en troisième année de médecine mais très vite, Erickson oppose une conception individualiste de l'hypnose à la conception universaliste de son professeur. Dès cette époque, il effectue diverses recherches sur l'hypnose. Son premier travail s'intitule " Premières expériences sur la nature de l'hypnose et recherche expérimentale supplémentaire sur l'hypnose : réalités hypnotiques et non hypnotiques ". Il s'attacha à y démontrer que les états altérés de conscience et les phénomènes de transe constituent une partie normale de la vie de tous les jours et que la plus importante est la dynamique interne de chaque individu qu'il est indispensable de respecter. Il pose ainsi les bases d'une conception " naturaliste ", " permissive " et " utilisationnelle " de l’hypnose.

Du médecin au chercheur

Erickson est médecin en 1928, d'abord en psychiatrie au " Colorado psychopathic hospital " puis médecin assistant au " State Hospital for Mental Diseases " à Howard (Rhode Island). De 1930 à 1934, il est médecin-adjoint puis médecin-chef du service de recherche au " Worcester State Hospital " dans le Massachussetts. Dans une atmosphère hostile, il publie son premier article consacré à l'hypnose : " des effets nuisibles possibles de l'hypnose expérimentale ", qui démontre que l'hypnose est un état de conscience altérée avec " une attention intense mais focalisée ", qui s'oppose à l'idée de sommeil et d'inhibition corticale défendue par Pavlov.

En 1934, il s'installe dans le Michigan et devient Directeur de la recherche psychiatrique puis directeur de la recherche et de la formation psychiatrique (1939 - 48) au " Wayne County Hospital".

Erickson veut faire connaître l'hypnose dans le milieu médical et il devient Rédacteur en Chef de la revue "Diseases of Nervous Systems"; il rédige l'article consacré à l'hypnose dans l'Encyclopaedia Brittanica; parallèlement, et la renommée aidant, il cherche à clarifier la compréhension de l'hypnose auprès du plus large public, par l'intermédiaire de radios ou journaux, comme "Life Magazine", par exemple.

phoenix - Arizona

Phoenix et la psychiatrie privée

En 1948, Erickson quitte Eloise et son climat humide et froid pour Phoenix, dans I'Arizona; il souffre en effet d'allergies et de douleurs séquellaires pour lesquelles un climat sac semble mieux indiqué. Il est alors Directeur Clinique au " Arizona State Hospital ", mais sa santé ne s'améliore pas, les douleurs sont de plus en plus intenses et il a des vertiges. Il ouvre alors un cabinet privé à son domicile pour se reposer entre ses patients et mieux contrôler ses douleurs par auto-hypnose. Cette situation lui offre aussi une vie familiale plus étroite, avec sa femme et ses huit enfants.

L'homme contre la douleur

Alors qu'il a 51 ans, il subit une nouvelle attaque de poliomyélite, deuxième poussée exceptionnelle dans cette maladie. Plus que la nouvelle paralysie, c'est la douleur qui le fait terriblement souffrir; il doit donc lutter et, malgré les gros efforts nécessaires, c'est à ses propres capacités inconscientes qu'il demande de l'aide par l'auto-hypnose. Il développe par exemple des transes "segmentalisées" qui réduisent la douleur dans un territoire localisé, il déplace les douleurs dans un endroit qui est moins gênant sur le plan fonctionnel, il focalise son attention sur d'autres sensations ou d'autres idées...

Malgré cet accident, Erickson, soutenu par sa famille, continue ses enseignements, ses thérapies, ses recherches sur l'hypnose.

L'hypnose d'Erickson de la fin des années 50 n'a plus beaucoup de points communs avec celle des années 20 telle qu'il l'a découverte: les définitions ne se recouvrent pas, I'autorité du thérapeute a laissé sa place à la souplesse, la directivité classique est supplantée par les approches indirectes, la transe est un état actif.

En 1957, il devient le président de "The American Society of Clinical Hypnosis" puis en 1958, le rédacteur en chef de la nouvelle revue Internationale "The American Journal of Clinical Hypnosis ».

Il donne de nombreuses conférences à l'étranger, est nommé conseiller auprès du gouvernement pour étudier les accidents d'avions, participe à la formation d'athlètes de haut niveau (équipe nationale de tir pour les Jeux Olympiques) et tout ceci malgré ses lourds handicaps physiques qui l'obligeront à se déplacer en fauteuil roulant !

Une source d'inspiration

Si dans ces années 50 Erickson redonne ses lettres de noblesse à l'hypnose, il va aussi être à l'origine d'un groupe de chercheurs qui vont mettre en place tout un nouveau courant de pensée en psychiatrie: le groupe de Palo Alto qui va concevoir la communication comme clef du comportement humain, les pathologies psychiques observées étant secondaires à des disfonctionnements de la communication dans un système. Ils en dégageront un concept fondamental: la théorie du double-lien (double-bind), qui serait responsable de la schizophrénie.

Erickson n'a jamais fait partie de ce groupe, c'est indirectement que son influence fût déterminante. Les personnages centraux dans ce groupe étaient Don Jackson, psychiatre clinicien, et surtout Gregory Bateson, anthropologue, qui apporte les idées théoriques. Bateson connaît Erickson depuis longtemps et est très intéressé par les techniques et méthodes spécifiques d'Erickson qui va devenir un modèle dans l'utilisation de la communication, non seulement pour Bateson mais aussi pour Jay Haley, John Weakland et Richard Fish, les autres membres de ce groupe. Alors que les thérapies familiales, dites systémiques, voient officiellement le jour, Erickson pratique ce type d'intervention depuis des années. C'est à travers les écrits de cette école que son nom est d'abord connu en France, en particulier par les ouvrages de Watzlawick, psychiatre qui est arrivé plus tard dans le groupe.

Dans ses conférences, Erickson communique autant sur un mode verbal que non-verbal, adapte à chaque fois son langage à l'auditoire, utilisant surtout des métaphores ou des exemples vécus; son but est de faire naître des idées chez ses auditeurs plutôt que de donner les siennes toutes faites

Un fabuleux héritage

Dans les années 70, deux hommes vont se consacrer à la propagation des idées d'Erickson: Ernest Rossi va collaborer avec lui pour écrire "Advanced techniques of Hypnosis", "Hypnotic Realities" et surtout "The collected Papers", qui résument une vie de travail et contiennent la plupart des publications d'Erickson. Jeffrey Zelg rédige aussi deux ouvrages et, surtout crée la Fondation Milton Erickson à Phoenlx qui va gérer et animer aux Etats-Unis et sur le plan International les centres, instituts, écoles qui se réclament de la pensée d'Erickson. (En France: Institut Milton H Erickson de Paris, Institut Milton H Erickson d'Antony et la Société Française de Thérapie et d'Hypnose Ericksonienne).

Le sage de Phoenix

Erickson finit sa vie entouré d'amis et de collaborateurs, reçoit de nombreuses visites de patients ou de confrères qui viennent parfois de très loin pour le voir, mais il reste simple;
Il garde le même langage simple, celui de tous les jours, refuse toute élaboration théorique, tout dogmatisme et accepte près de lui des élèves de toutes les écoles de pensée qui, comme lui, savent que chacun possède une parcelle de vérité.

Le premier congrès International consacré à Milton Erickson est organisé en décembre 1980, des milliers de thérapeutes vont enfin pouvoir approcher ce personnage déjà légendaire... il le restera: il décède six mois plus tôt, d'un choc infectieux, le Jeudi 27 mars 1980.

 

Source de l'article : Thèse du Dr Claude Virot, médecin psychiatre, "HYPNOSE, STRATEGIE ET PSYCHOTHERAPIE, Une approche clinique de Milton H. Erickson" - Université de Rennes - U.E.R Médicales et pharmaceutiques, Année 1987-1988